TOPONYMIE
La toponymie est l’étude de l’origine et de la signification des noms de lieux.
Les noms ont souvent été déformés ou mal recopiés.
Les lois de la phonétique sont connues des spécialistes, par exemple :
le v latin devient g (vespa=guêpe – viscum = gui…)
le wald germanique = gald = gaud
D’autre part, «une tendance universelle chez les conquérants, est de transformer un nom incompréhensible en une forme aux sonorités voisines et qui possède un sens en leur langue».
Cette tendance, marquée chez les Romains, a été accentuée aux Xe et XIe siècles, par des scribes, qui, en cédant aux démons de l’étymologie, ramèneront tous les noms au latin (c’est ce que C. ROSTAING appelle la fausse latinisation).
«Aucune des invasions successives n’a totalement éliminé la langue précédente… il est difficile et peu avantageux de traduire les noms propres (aux États Unis, une grande quantité de villes, de rivières… ont gardé leur nom indien)»
Notre région est peuplée depuis au moins 400 000 ans (Terra Amata, à Nice). On ne sait quasiment rien sur les langues de ces peuples. Pourtant on retrouve dans plusieurs pays des racines pré-gauloises ayant trait au relief (l’oronymie) ou aux cours d’eau (hydronymie). On parle de racines pré-indo-européennes : P I E.
Plus tard, les noms se référeront à une plante, une construction, un personnage…
Les couches se sont succédées : celtes (gaulois) – latin – germanique – roman – provençal – français (Moyen-Âge)
Un rappel sommaire de l’histoire de la Provence montrera pourquoi on retrouve toutes ces couches dans notre région:
avant le VIIIe siècle av. J.C. : Ligures (dont nous ignorons presque tout)
du VIIIe au IVe siècle av. J.C. : invasions Celtes (gaulois) – Celto-Ligures
au IIe et au Ier siècle av. J.C. : invasions romaines
an 476 : chute de l’empire Romain
536 : invasions Wisigoths, Ostrogoths puis Francs – Royaume Franc de Bourgogne – la Provence, quasi autonome, frappe sa propre monnaie
736 à 739 : Charles Martel entend soumettre la Provence. Les provençaux s’allient avec les Sarrasins. Au cours de plusieurs campagnes, Charles Martel assujettira la région qui pâtira plus de ses expéditions que de toutes les invasions précédentes
Carolingiens (Charlemagne)
en 879, Boson, devient roi de Provence, (il est le beau-frère de Charles-le-Chauve, roi de France)
945, les rois de Bourgogne (royaume allant de Bâle à la Méditerranée) règnent sur la Provence, mais l’autorité est exercée par le comte Guillaume-le-libérateur
1032, intégration de la Provence dans le Saint Empire Germanique
XIIe siècle, apogée de la féodalité provençale et rivalités entre les Comtes Catalans (Barcelone-Toulouse)
1370, Louis d’Anjou (frère du roi de France Charles V) a des visées sur la Provence. À son incitation, Du Guesclin et ses routiers, pillent la Basse Provence et la rive gauche du Rhône.
1380, la Reine Jeanne adopte pour héritier le Duc d’Anjou
1482, par héritage «forcé», Louis XI devient Comte de Provence
9 avril 1487, union avec la France ratifiée par les États réunis à Aix-en-Provence
1501, établissement d’un Parlement de Provence
1539, ordonnance de Villers-Côteret (par François Ier) dirigée contre le latin, mais condamnant, à terme, l’écriture des langues régionales : «tous les actes officiels devront être rédigés en français»
L’histoire régionale va désormais rejoindre l’histoire de France.
TRIGANCE, ORIGINE DU NOM
Nombreux sont les auteurs qui se sont intéressés à l’origine du nom «Trigance».
Les explications et les interprétations dont nous disposons sont des plus variées.
La plus crédible, sans doute, consiste à chercher l’origine du nom chez les Ligures ou Lygiens.
Par Ligures, on désigne les populations ayant vécu durant l’âge de fer (post-néolithique, 800 ans avant notre ère), dans ce qui deviendra la Provence.
Dans son ouvrage Les premiers habitants de l’Europe, ARBOIS donne l’étymologie “tris-ancia”, signifiant, en ligure, «trois collines».
ROSTAING et DAUZAT, dans le Dictionnaire étymologique des noms de lieux, font dériver Trigance de la racine ligure tr- signifiant «rocher», «pierre», racine sur laquelle se sont greffés des suffixes préceltiques ou prélatins, voire grecs, dus aux alternances vocaliques, à la façon de prononcer des peuples qui succédèrent aux Ligures, Trigance = tr-ic-anct-ia.
(Charles ROSTAING déclarera à la Sorbonne le 3 juillet 1945 qu’«il ne saurait être question d’y voir un préfixe équivalent au latin «tri».)
Le suffixe reste d’origine et de signification obscures. On retrouve les mêmes racines dans les noms de Tourtour, Thorenc, Trévans…
Le nom “Tregentia” apparaît pour la première fois dans un document écrit en 814 : le nom est mentionné dans le polyptique WADALDE (évêque de Marseille) énumérant les biens matériels de l’Abbaye de Saint-Victor : treize villae dont celles de Rougon et Trigance. On trouvera ensuite Villa Tregentie en 1031, Trigantia en 1035, 1200 et 1351, Trigancia en 1098, Triganço au XVIe siècle (ce qui permet au dictionnaire ACHARD, du milieu du XVIIIe siècle, d’affirmer que Trigance aurait une origine latine, Trigancia, et correspondrait à Triganço en provençal.)
Ces interprétations semblent trouver confirmation dans l’étude de Bénédicte et Jean-Jacques FENIE, “Toponymie provençale” (Éditions Sud-Ouest – 2002) : « Tr-, variante au degré zéro des bases oronymiques tar-, tor-, tur-, a donné ses racines à Trigance, (de Villa Tregentia, 814), construit à partir d’un étymon tr-ic-ant-ia (traduisant une idée de hauteur, de butte, d’éminence, donc liée au relief), désignant l’éperon rocheux sur lequel s’est édifié le village».
On peut citer d’autres versions plus ou moins farfelues, ainsi :
Un dictionnaire des noms propres datant de 1905 imagine que «Trigance serait dû aux trois rivières qui semblent découper le territoires en trois ganses, le Verdon, l’Artuby et le Jabron». Il nous faut faire un sort à cette étymologie facile (mais fausse) des «trois ganses».
Tri-egentia : village de trois familles ne payant pas l’impôt romain.
Ou encore celle de A. WEISEN, dans un livre consacré à la présence des Templiers dans les Gorges du Verdon, avançant une explication ésotérique et mythologique : Trigance se rattacherait aux trois races de géants symbolisés par les rois mages et également aux trois fois quatorze générations du Christ d’après l’évangile de Mathieu (sic)…
DIVERS NOMS DE LIEUX
L’Abro Dauphin : l’orthographe originelle devait sans doute La Bro Dauphin – bro désigne la lisière d’un champ, un talus inculte qui sépare deux champs, Dauphin est un nom de famille.
L’Agrèle – La Grêle : la première orthographe est plus conforme à la signification du nom, car il n’y a aucun rapport avec une quelconque perturbation météorologique.
L’agrieule, l’agrelha (franco-provençal) désigne le houx (voir Frédéric Mistral dans le Trésor du Félibrige). On trouve, en français, des dérivés La Greule, La Graulet, devenus noms de lieux ou noms de familles.
Armas (ou ermas) : lande, friche, terrain inculte. (latin eremus : désert – ancien français : erm)
Aules (de oulo) : marmites d’érosion (dans le Jabron)
Androuno (endronne) : ruelle
Aire (du latin area, sol uni) : arène, Arénas à Nice, chemin des Areniers à Draguignan. Lieu de battage du blé, souvent enherbé.
Aubre : arbre (provençal)
Adous, Adoux, Dous : source
Adret (opposé à l’ubac) : versant exposé au soleil
Bagarry (Bagar en 1015 – Bagarros en 1040 – Bagarris en 1200) vient du gaulois bac aru : hauteur pointue
Barro : arête rocheuse, escarpement rocheux – vient d’un mot gaulois
Baume (balme) : grotte (origine pré-gauloise)
La Bastié : deux hypothèses sur l’origine :
bourrelier, bâtier, fabricant de bâts.
On trouve dans les archives de 1586 : le Conseil de Trigance engage un bâtier qui doit venir «basteyar» au village pendant 3 ans deux fois par an.
Évolution phonétique du mot bastido. La bastide était d’abord une maison de ferme fortifiée puis simplement, une ferme.
Belluche, Bellusse : origine inconnue. Beluze était un nom de famille provençal. Dans le Forez, le mot beluso désigne un terrain argileux.
Biach : origine inconnue
Blache (blacas) : chêne – taillis de chênes blancs (pubescents).
Breis, les trigançois prononcent breil comme Breil-sur-Roya. Désigne un bois taillis en ancien français – issu du gaulois brogilu – mais le cadastre (actuel et le napoléonien) précise avec un S. Cette orthographe empêche la signification du bois taillis. Mais le sens de breis reste obscur.
Brige, Brize : c’est peut-être le surnom du propriétaire (querelleur)
Brusquet : désignait un lieu couvert de bruyères. Aujourd’hui, c’est un pré.
La Calade : (provençal calado), descente abrupte et autrefois pavée.
Carajuan ou Carejuan : ce mot serait en rapport avec garagaï, idée de gouffre.
La Carbonel : c’est le nom d’une ancienne ferme portant le nom du propriétaire. De même Aco de Basile signifie «chez Basile» (ce qui lui appartient). Souvent le nom du propriétaire devient le nom de la ferme ou inversement.
Casseyère : sans doute origine P.I.E. (pré indo européen) – De casse (voir en Vanoise) : éboulis, rocher
Champon : petit champ
Chandon (le champ de Chandon) : nom du propriétaire
Chastillon (Castillon) : de castelio, castelionis, castellum – castel : petit château.
Désigne aussi un ancien oppidum celto-ligure.
Contrairement à l’idée commune, l’oppidum n’est pas une création romaine. Au IIe siècle av. J.C., les gaulois créent des cités fortifiées (oppida). Ainsi le mur, composé de pierres et de madriers de bois, entourant la ville de Bibracte (aujourd’hui Mont Beuvray haut lieu de l’histoire gauloise dans la Nièvre), était long de 5,250 km et délimitait un espace de 135 ha !
Celui d’Alésia occupe 97 ha !
La Chaumo : du P.I.E. Kalm (puis calma, calmis), plateau (ou croupe) sec et pierreux; hauteur dénudée.
La Clape (provençal voisin : lou clapas, tas de pierres) issu d’un terme P.I.E.(pré indo européen) klap : pierre, rocher.
Clastre : Plusieurs significations :
– en occitan, camp fortifié.
– aussi, cloître, presbytère
– quelquefois enclos pour les animaux
Cette dernière explication concorde avec l’utilisation de ce bâtiment au début du siècle.
Le Clot d’Enfoucou (prononcez infoucou) : ce lieu, situé en limite de Siouné et du camp militaire, est bien connu des chasseurs qui le nomment aussi les Arènes (à cause de la ceinture de roches en demi-cercle). Lieu plat ayant appartenu au sieur FOUCOU.
Le Clot du Suy : lieu plat à proximité d’un trou d’eau boueux.
Clot : petit plateau, lieu plat.
Le Clouat : c’est l’écriture phonétique du clot, lieu plat (souvent utilisé pour un lieu de dimensions modestes)
Cloutet : (du verbe provençal clouteja) : lieu plat de dimensions très réduites.
Clumes (Clemès, Cleumeus dans les anciens cadastres) : cleme était le surnom d’un individu ayant un penchant pour la réclamation (un procédurier). Peut-être était-ce le surnom du propriétaire ?
En toponymie, il est fréquent que le nom (ou surnom) du propriétaire devienne le nom du lieu, ou que le nom du lieu devienne le nom du propriétaire.
Colle, Collet, Coulet (colettes) : colline
Collet Redoun : collinette ronde
Condamine : très répandu en France. A l’origine, terre indivise entre 2 seigneurs ou entre un seigneur et un évêque.
Content : de l’occitan conten (querelle), désigne une terre disputée.
Coumbo, Coumbau, Coumbasq : combe.
La Coumbo de la Bru : la bru était le surnom du boudeur. La combe (du gaulois cumba) désigne une vallée sèche mais aussi une vallée plus ou moins encaissée, une dépression de relief. Ce mot est à l’origine du nom de Comps, de la rue du Combat à Draguignan (carriero dou Coumbas), de Coumbo Dreche (combe droite) sur la commune de Rougon, proche du sommet de Breis et qui plonge sur le Verdon et le pont de Tusset.
La combe du boudeur ! Était-ce le surnom du propriétaire ?
Courneiret, Courneirède, Cournuelle : petit bois (ou lieu) planté de cornouillers (arbustes décoratifs à feuilles caduques)
Cros : creux, dépression. Il s’agit d’une cuvette à fond plat de faible superficie
Crous : lieu où était implanté une croix
Cruvelet : petit crible (sorte de passoire) ou fabricant de cribles (cruvel)
Le Défends (lou devens en provençal). Ce nom vient du Moyen-Âge. À partir du XIe siècle, les bois que l’on veut protéger des hommes et du bétail sont mis en défens : interdiction d’y abattre les arbres ou d’y laisser paître les troupeaux. Souvent, la mise en defens était décidée par le seigneur. Mais plus tard, les communautés villageoises prendront la même mesure pour les bois communaux.
Le Devensoun : le petit devens (défens). Ce lieu a été inscrit à l’inventaire des sites de 1951. Les coupes de bois y sont réglementées (ainsi que cela se faisait au Moyen-Âge dans les défens)
Estelle : ancienne bâtisse seigneuriale (aujourd’hui dans le camp de Canjuers) dont il reste des ruines intéressantes et un pigeonnier.Le mot estel signifie «adossé à un rocher élevé».
L’origine du mot est obscure mais le sens est à peu près sûr.
Le 15 avril 1621, le seigneur Melchior de Demandolx y créait une verrerie. Celle-ci était déplacée, peu avant 1661, vers le sud, environ à 2 km (ferme de la Verrerie, dans Canjuers).
Faïsso (faïssa, fayce au XIIe siècle) : les faïsses sont des bandes de terre, des terrasses, retenues par les murailles de pierres sèches (restanco = restanques).
Ainsi en 1640, le Conseil trigançois veut se dégager de ses dettes, et, charge les consuls de solliciter du seigneur l’autorisation de défricher les défens de la Colle de Siounès. Sont partagées les terres de Siounès et de Chagons : chaque famille reçoit la concession d’une fayce à charge de payer annuellement, pendant 8 ans, 32 sous par faysse avec jouissance du glandage; l’abattage des chênes et autres arbres n’étant pas autorisé «que pour s’en servir à l’agriculture».
Ferrai (comme pour faisso, ai se prononce ail) : ferrage, ferrago, terre fertile proche du village avec des jardins ou des prés. Généralement, chacun pouvait autrefois aller y chercher du fourrage.
Fonduas (ou fondues) : se retrouve sur de nombreuses communes. Terre de décomposition ou quelquefois éboulis.
Fons, Font, Fouont : fontaine ou plus fréquemment source
– font Rose (ros ou rosel en ancien français = roseau)
– font Freyère (source froide)
– font de Frai (du Frêne)
– font de Soulié ou Soulliès (située en un lieu ensoleillé ou ayant appartenu à la famille Soulliès)
– font de Garnau (garnau peut désigner un pin isolé mais aussi un nom de famille)
La Fayette (faye, fayet, fau) petit bois de hêtres (fagus, fau = hêtre). Ce mot est extrêmement répandu dans toute la France (faou, faouet, fou, faux, fahy, fageolles).
Pensez au Général de La Fayette qui prit part à la guerre d’Indépendance en Amérique et à la Révolution française.
Fracha, Fracho, Frache : fracta en bas-latin, arête rocheuse ou brèche dans le relief
La Gabelle (de l’arabe Kabala, impôt) : depuis le Moyen-Âge, impôt célèbre et détesté, en particulier sur le sel. Peut désigner aussi l’officier de la gabelle et est devenu un nom de famille. Par dérision et familièrement, les douaniers furent surnommés les gabelous.
A Trigance, il est possible que ce soit un nom de famille. Il existe aussi une racine P.I.E.(pré indo européen) gab. La gabelle désigne alors une petite rivière encaissée.
Garduère : on trouve sur de nombreuses communes Garder, Garduelle, Gardie… Du germanique warda (signifiait garde, puis tour de garde et enfin forteresse). Mais souvent c’est un simple poste de guet, situé sur une hauteur évidemment.
Gaudemard : beaucoup de vieux trigançois prononcent grau de mar, terme provençal qui a une signification pour eux, mais qui n’est pas exact. Il existe aussi le Valgaudemar dans les Hautes Alpes.
Voici comment, en toponymie, un nom incompréhensible (Gaudemard) pour les habitants, est assimilé à un autre mot connu, grau, de consonance voisine.
Ce nom est d’origine germanique (de waldan = gouverner et mar = illustre – wald devenant gald puis gaud).
Ce nom est un hommage à Waldemar 1er, roi des «barbares germains» ainsi que les nommaient les romains pour qui tout peuple non latinisant était «barbare».
À ce propos, il est intéressant de faire quelques remarques concernant le latin et son influence :
Ainsi que l’écrit L. Chabot dans «Histoire de nos écritures» (Édition Hachette), «On imagine parfois les légions romaines apportant aux illettrés qu’ils soumettent les bienfaits de l’écriture;cette vue simpliste est fausse.» Les écritures les plus anciennes apparaissent 3 000 ans av. J.C., le latin n’apparaît qu’au VIe siècle av. J.C.
«Quand ils eurent peuplé Rome, les latins chassèrent les Étrusques et interdirent l’usage de leur langue. Partout où s’élargissait leur empire, il fallut écrire en latin…
Le latin a tué, par décret, l’alphabet étrusque, celui des siciliens, des vénètes et d’une douzaine d’autres peuples italiques. Il a fait disparaître le carthaginois, puis les écritures de la péninsule ibérique, comme celle des Irlandais (ogams), des anglo-saxons (runes), des germains; il a refoulé celle des scandinaves… Le latin a unifié, certes, mais à l’aide d’un alphabet jaloux et intolérant».
L’écriture et la langue ont donc suivi la route des marchands mais surtout des conquérants.
Cela montre qu’une langue est bien plus qu’un simple moyen de communication. Les défenseurs du provençal disent : «Quau tèn la lengo, tèn la clau» (“Celui qui tient la langue, tient la clé”).
Gorgo : gouorgo, gorge, défilé, vallon étroit et encaissé.
Gorgo de Panoun, de Rémi, de Denis… sans doute ces noms sont-ils ceux des propriétaires.
Grachauve : de la racine gra (comme grave) et calmis (plateau dénudé ou croupe) – croupe dénudée et caillouteuse
Grau (graou) : à rapprocher de la Crau, de Grave et du mot gravier – terrain caillouteux, couvert de gravier.
– Grau de ville : face au village, ces grau s’étendent jusqu’à la ferme du même nom.
– Grau d’Entillières : dans un lieu planté de tilleuls (autrefois)
– Grau Pélissières : du nom du propriétaire (pelissié : pelletier, fourreur pensez à la pelisse – pelissarié : pelleterie).
Graute : peut-être grau auto (haute grau) – mais c’est sûrement un dérivé de la racine gra qui a donné grave (caillou)
Greolière : graculus, corneille; puis gracularia, graulieras, graolerus. C’est un dérivé du mot corneille.
Infarnet, infernet : (sur la commune de Rougon) appellation très répandue en toponymie. En ancien français, enfern était un endroit situé dans des parties basses. On dit qu’un Infernet est un petit enfer. Cela désigne des gorges étroites et plongeantes. Peu avant le relais des Balcons de la Mescla (route du pont de l’Artuby), l’Infernet plonge sur le Verdon et l’atteint peu avant le confluent avec l’Artuby.
Irouelle, Irolles : (sur la commune de Rougon) au Moyen-Âge, s’appelait Ayrolles, peut désigner le plateau (de aira, aurola).
Iscle (du latin insula) : île mais aussi terrain, jardin en bordure de rivière (un iscloun est une petite iscle).
Jabron : de nombreux cours d’eau portent ce nom (Alpes de Haute Provence, Drôme, Vaucluse).
– en 1207 : Agabron; en 1040 : Aiabrone; en 1264 : Agabronis; en 1404 : rip-Jabronis
– issu du pré-celtique gaba (rivière encaissée). Pour «notre» Jabron, voir les gorges du Haut Jabron, proches de La Bâtie de Peyroules.
Jalles : mot provençal désignant un bouquet de jeunes chênes pubescents.
Lavandur (Lavandour) : ruisseau alimenté par une source régulière et venant de Giravai. Le nom vient de lavandou, le lavoir.
La Levado : dénommée aussi la cascade, sur le Jabron. C’est une digue, élevée il y a un siècle environ, à l’initiative de l’A.S.A. du Jabron, pour diminuer la pente du torrent et l’érosion qui en découlait.
Liste, Listoun : bande étroite de terre
Males Costes : les mauvais côteaux
Malevieille, Maleveuille (mais à l’origine Malevielle) : désigne une ferme, villa, située en hauteur, mal.
Maline, Marine : les Marines dans l’Artuby, escarpement, rocher en surplomb, falaise.
Mayon d’Encartier : la maison du sieur CARTIER. En nissart, on emploie encore le mot maion pour maison.
Merlatières : ce nom peut dériver de merle mais aussi d’une racine merl semblant désigner une hauteur rocheuse.
Mescla : signifie le mélange et désigne le confluent du Verdon et de l’Artuby (dans les Alpes Maritimes, la Mescla est le confluent du Var et de la Tinée)
Les Moulières (vient du latin mollis, mou) : terrain mou, argileux.
Mouto : colline pointue, butte naturelle (ou artificielle dans d’autres régions : La Mothe, Lamotte…, souvent édifiée pour y installer une tour de guet ou de garde)
Miassol, Miessol : à rapprocher peut-être de Myesouelle à Rougon.
Mié solo : «probablement une bande de terre de bonne qualité, réglementée par l’usage de la jachère» (J. MAGNAUDEIX “Des Lieux et des noms” – commune de Rougon)
L’ Ort, L’ Hort (l’ouort) : le jardin (potager le plus souvent)
Le Pareissère : lieu élevé où l’on «paraît», où l’on vient voir, surveiller
Le Pas : bien connu des chasseurs, désigne un passage, une brèche, un défilé
Le Pas de l’Avers : ou pas des Avers : déformé en pas des Averses ! En 1614, les archives précisent que Sioune s’appelait les défens du pas des avers, avers signifie exposé au nord.
Le Peissié, (peissiero) : chaussée (élévation de terre pour retenir l’eau d’un ruisseau, d’une rivière)
Pelas : lieu pelé, dénudé
Pin Provençal : désigne le pin maritime, rare et donc remarquable sur la commune
Pin Clava : peut-être pins enfermés, enclos
Le Plan : petite plaine ou plateau
Le Pradoun : le petit pré
Praguillen : pré où poussent des grands chardons (cirses épineux)
Priolat : prieuré (occitan priourat)
Ribo : lisière, limite, bord d’un champ – talus
Riblaquon : (riu blacon) : le ruisseau du bois de chêne
Rieu, Riou : ruisseau (équivalent de ru en français)
Rigaud (Rigaudo, rigaudum, rigaudi) en provençal, prononcez riga-ou (au italien). Ce nom est très intéressant car c’est un nom de personne (sans doute le propriétaire du lieu). Il a été formé par l’association de ric, rig (puissant) et waldan (wald = gaud, signifiant gouverner). La population romane créait ces noms pour suivre la mode et imiter les noms des envahisseurs germains. Ces mots associés n’ont pas de signification réelle.
Au IXe siècle, cette mode avait même gagné les campagnes.
Rappelons qu’à l’époque gallo-romaine, il était de bon ton pour un notable gaulois de prendre un nom à consonance latine.
De nombreux noms et prénoms sont d’origine germanique. On peut citer, entre autres, Aycard, Bernard, Gaymard, Gérard, Richard, Jaussaud, Giraud, Artaud, Albert, Audibert, Guillaume, Bertrand, Antelme, Hermelin, Berthe, Bertin, Guy.
Rigoulié : éboulis
Robion, Roubion, Roubino (dérive de rub) : falaise, ravine, éboulis
Roc Abrier : devait sans doute s’écrire Roca. On pourrait peut-être rapprocher ce nom de Rocabillera (1152) dénommé aujourd’hui Roquebillière (Alpes-Maritimes) pouvant signifier la roche en surplomb. Mais ce n’est qu’une hypothèse, assez hasardeuse.
Rousset : couleur fauve (de la terre)
Rouvières (de rouvre) : bois de chênes. A donné le nom de famille Rouvier
Rouyer (clot de Rouyer) : sans doute nom de famille du propriétaire
Rouguière (rouiguiero) : rue, mais aussi quelque fois charnier
La Sagne (de sagno) : terrain humide, marécageux mais aussi massette d’eau désignée sous le nom de roseau.
Aujourd’hui, en Camargue, les sagneurs pratiquent toujours leur métier en barque, pour approcher les roseaux et les couper. Dans le Mercantour, les bergers désignent par sagnes les prairies inondées.
Saint Maîme : signifie Saint Maxime. Évêque de Riez (en 433 ou 434), il aurait établi des moines dans le site de Moustiers. Il est décédé en 460. On trouve des lieux dénommés saint Maymes en plusieurs coins de Provence, dont un village à proximité de Forcalquier.
Salau : lieu où coule de l’eau salée
Sambou (sambro) : creux de rocher, réservoir naturel qui se remplit d’eau de pluie.
Samberi :
– sambeja : appeler les oiseaux
– sambairis : celui qui appelle les oiseaux
Il s’agit peut-être d’un dérivé de la racine oronymique (ayant trait au relief) samb.
La deuxième hypothèse paraît plus vraisemblable.
Sautet : (du verbe sauter, en provençal) : faire un petit saut
Sarteinetto : cuvette de quelques mètres carrés dans une dalle rocheuse. Y-a-t-il rapport avec la forme, car sarteinetto peut désigner un poêlon ?
Le Serre, La Serrière (Serraz en Savoie, Sierra en Espagne…) : colline allongée, crête de montagne dentelée.
Sueio, Suy : égout naturel – trou d’eau fangeux
Soulié (Soulliès) : de solanus. La font de Soulié peut désigner la fontaine exposée au soleil, mais Soulié peut être le nom de famille du propriétaire
Soleils : autrefois la Bastide de Soleils, Bastida de Soleses.
Est-ce l’exposition du lieu qui lui a valu cette appellation ?
Le Tuei : signifie if, arbre n’existant pas sur la commune. Le tuei est utilisé pour désigner le sapin pectiné (sapin blanc)
La Tuilière : appellation sans doute peu ancienne (par rapport à de nombreux noms de lieux ayant 1000 ou 2000 ans). Lieu de fabrication de poteries, de tuiles.
Turrel : nom de famille du propriétaire d’une tuilerie en 1863 :
“Tuilerie à la maison du Sieur Turrel Joseph, près Trigance ; fabrique de tuiles et de pots, et moellons ; 2 ouvriers. On fabrique un peu de tuiles, et on n’en a pas pour tout le monde ; et l’état de la fabrication n’est pas bien bon. Le sieur Turrel Joseph qui fabrique des tuiles à Trigance ne travaille qu’une partie de l’année. Ce fabricant se trouve presque dans l’indigence et s’occupe à travailler ses terres. » (extrait de Terres Varoises Xe-XXe siècles de Henri Amouric, Bernard Romagnan, Lucy Vallauri)
Ubac : contraire de adrech, adret. Lieu exposé au nord.
Vanado : bercail, bergerie, abri.
Enclos en pierre sèche, non couvert, pour enfermer le bétail.
Le Verdon : le mot verdon a la même origine que le gard (l’eau). C’est un hydronyme pré-latin gar – var – var-d-one. En latin, a subi l’attraction du mot vert (couleur) pour devenir virdones. Le nom ne vient pas de la couleur des eaux, sinon les Verdon seraient légions, car de nombreuses rivières ont des eaux vertes.
«Semblables aux Basques, chez lesquels on appelle indifféremment tous les torrents l’Eau, ou… la Grande Eau (ce que font aussi d’autres peuples), nos ancêtres n’eurent aucun soucis de varier les noms qu’ils donnaient aux rivières. Ils les appelèrent simplement Eau : la grande eau, l’eau noire, l’eau claire, l’eau lente… ou bien encore l’eau du mont,l’eau du roc, l’eau des bois…» (Onésime RECLUS cité par Paul JOANNE).
On retrouve ainsi plusieurs racines indo-européennes signifiant eau.
«(…) l’hydronyme s’applique à un groupe géographique, soit concentré dans une région comme les Nants ou les Dorons savoyards, les Nestes ou les Gaves pyrénéens (…)» (DAUZET, DESLANDES, ROSTAING – Dictionnaire des Noms de Rivières et de Montagnes en France)
C’est ainsi que l’Artuby (de même que la Nartuby) a une racine hydronymique en rapport avec l’eau : ar.
La Verrerie : ferme, aujourd’hui dans le camp de Canjuers.
Avant 1661, la Verrerie d’Estelle est déplacée au quartier de Clumes, 2 km plus au sud.
La ferme de la Verrerie est encore plus au sud, mais son nom fait référence incontestablement à cette activité artisanale.
Villars : un écart, un hameau (Villar, Villard)
Au XIIIe siècle, pouvait désigner un ensemble de granges habitées en été.