L’ AGRICULTURE À TRIGANCE, ET L’ ÉCONOMIE 1851 – 1927
Trigance domine la vallée du Jabron. Le village est situé à flanc de coteau à 790 mètres d’altitude. Il est entouré de hautes collines : Breis (1280 m), Chastillon (1199 m), tantôt arides, tantôt couvertes de forêts comme les bois de Colle de Breis, des Défends et de Siounet.
Sa superficie totale est de 6060 hectares, dont 1780 hectares sont dans l’emprise du Camp Militaire de Canjuers, soit 30% de son territoire. La superficie de la forêt domaniale est de 5 hectares et la forêt communale de 1810 hectares. Les terres cultivables : prairies et autres cultures représentent un peu plus de 250 hectares.
Trigance ne fait pas exception à la règle, son agriculture s’est considérablement transformée depuis la fin des années 50.
À cette époque, on comptait 19 fermes. La polyculture et un élevage diversifié dominaient. Le boulanger du village, Marcel Lions, était également éleveur d’ovins et paysan. Plusieurs vaches et cochons complétaient le cheptel de sa ferme. De quoi occuper de longues journées de labeur.
Son frère Louis, à la Sagne, possédait une douzaine de vaches, une basse-cour importante et des cochons. Outre un grand jardin potager destiné à la consommation personnelle, sa production principale : pommes de terre, foin, betteraves fourragères, céréales et même lentilles était essentiellement destinée au bétail. Sur ce site actuellement vous pourrez visiter gratuitement un petit musée des savoir-faire ancestraux ainsi qu’un espace dédié aux vieilles machines agricoles.
Chaque ferme abritait au moins une vache, un cochon, quelques moutons, des chèvres, mais aussi volailles et lapins. Tout ce petit monde rural cultivait de petits lopins de terre, de manière à générer un complément de revenu.
Les saisons rythmaient la vie des paysans qui pratiquaient l’autarcie. Le blé était amené au meunier qui le transformait en farine que récupérait le boulanger pour fabriquer le pain. Chacun était payé en nature pour son travail. L’expression « gagner son pain » prenait alors tout son sens ! L’entraide entre paysans était la règle. Les moissons chez Marius. Tuer le cochon chez Louis. A chaque fois c’était la fête. Le paysan – gavot sait recevoir, ouvrir sa porte à l’autre et partager si tant est que celui-ci ne commence pas par le toiser du haut de ses certitudes reçues en héritage…
L’arrivée de la mécanisation a mis un coup d’arrêt à cette entraide, colonne vertébrale du lien social qui existe néanmoins sous d’autres formes aujourd’hui.
Avec la disparition de cette agriculture traditionnelle et ancestrale, une autre culture est apparue. Elle a fait la renommée de notre village : la pomme de terre. Mais en raison des sécheresses successives et de l’impossibilité de pomper l’eau directement dans les rivières, cette culture a aussi disparu pour laisser place à l’agriculture et à l’élevage actuels.
L’agriculture Trigançoise a-t-elle manqué le virage de la modernité dans les années 70 ? Deux projets de retenues collinaires, une dans la Forêt Communale du Défends au lieu-dit le Gros Ubac et une autre au Pont de l’Evescat, commune du Bourguet, n’ont pas abouti.
D’aucuns reprochent le manque de vision à très long terme de certains. À ce moment-là pouvaient-ils anticiper les évolutions futures ? Il faut comprendre que tous ces éleveurs-cultivateurs arrivaient en fin de vie professionnelle et souvent sans repreneur. C’était aussi la fin d’un système économique. On entrait dans une société de loisirs et de consommation.
À cette époque les enfants de ces paysans ont vu leurs parents trimer 365 jours sur 365, sans vacances et sans sorties. Il n’y avait pas de primes d’installation, pas de revenu minimum garanti, pas de PAC ni aides en tout genre. Nos anciens vivaient heureux mais durement et modestement.
Il y eut le projet d’un grand barrage hydroélectrique sur le Verdon au niveau du Pont de Carajuan. EDF, à l’époque avait acheté les terrains. Pour dédommager financièrement la commune de Trigance impactée, (car la retenue remontait jusque dans les Aoûles), il était prévu de pomper l’eau pour la canaliser jusqu’au Clos de Marie afin d’irriguer toute la plaine et éventuellement créer un petit plan d’eau à Fontaine Basse. EDF qui n’était pas avare pour parvenir à ses fins avait même prévu de bâtir une partie de sa cité sur Trigance, les constructions revenant à la commune dès que l’ouvrage serait fonctionnel.
À cette époque nous sortions du traumatisme des expropriations des 1780 hectares pour réaliser le Camp Militaire de Canjuers mais aussi de la mise en eau du barrage de St Croix avec le cortège des drames humains qui s’ensuivit.
Les écologistes se sont emparés du dossier, et en 1979 François MITTERRAND en campagne électorale avec Gaston DEFFERRE ayant politisé le débat, un grand rassemblement contre ce projet a eu lieu à La Palud sur Verdon, en leur présence. En 1981, François Mitterrand, élu Président de la République, l’a noyé définitivement.
C’est ainsi que vous découvrez à partir du St Esprit un paysage demeuré vierge et authentique, pour le moment. Vous pourrez le comparer avec les esquisses du « Mur de la Préhistoire » qui en montre l’évolution au cours des âges.
Actuellement en 2021, l’élevage résiste bien même si la polyculture et la production de foin restent importantes et qu’un maraîcher, un trufficulteur-arboriculteur et un lavandiculteur se sont récemment installés.
S’agissant de l’élevage, on dénombre deux professionnels pour les ovins et les équins. Un éleveur d’ânes est également présent sur le territoire qui compte par ailleurs deux apiculteurs, deux moutonniers itinérants et 2 chevriers fromagers.
Avec le concours de la SAFER, dont le rôle, (qui s’est élargi récemment aux collectivités publiques), consiste en la surveillance et le regroupement du foncier au bénéfice des agriculteurs, nous avons pu créer un espace test agricole au hameau de Soleils pour l’installation du maraîcher.
Par ailleurs la municipalité envisage l’installation d’un éleveur de brebis laitières et souhaite que la SAFER achète les terrains précités appartenant à EDF afin de pouvoir implanter un nouvel agriculteur.
L’ÉCONOMIE DE 1851 À 1927
1851 : 10 tisserands – 10 cordonniers – 3 tailleurs – 3 couturières – 1 cabaretier – 7 industries alimentaires
3 maçons – 1 peintre – 4 maréchaux-ferrants
+ de 15 têtes de bétail jusqu’en 1892, moins de 5 en 1912
1853
Extrait du Journal de Toulouse du 8 avril 1853
On écrit de Draguignan (Var) : Les nouvelles de la montagne sont toujours mauvaises. L’énorme quantité de neige qui couvre ce malheureux pays n’a pas fondu. Elle est congelée à sa surface, résiste aux ouragans et ne peut disparaître que par l’effet de plusieurs jours d’un beau soleil. S’il faut en croire les bruits qui courent ici, la misère est affreuse dans certains villages, l’homme a partagé sa provision de pain et de blé avec son troupeau ; dans d’autres, les bestiaux ont été tués, parce qu’on n’avait rien à leur donner pour pâture. Deux pauvres marchands ambulants ont été trouvés morts de froid à la rude montée du Rougon, le premier pays des Basses-Alpes que l’on rencontre au nord-ouest du département du Var, au-delà de Montferrat et Trigance.
1863 : « L’état des poteries varoises au XIXe siècle s’est notablement réduit par rapport au précédent et de nouvelles entités de production s’installent dans des lieux qui n’en avaient pas connu jusque-là. (…)
Ce sont souvent des sites reculés qui ont conservé, parfois fort avant dans le siècle, un marché de proximité immédiate, servi par des structures resserrées souvent familiales, travaillant par intermittence et à la fabrication en conséquence limitée. (…)
La pauvreté de certaines de ces officines est parfois patente comme à Trigance en 1863 :
Tuilerie à la maison du Sieur TURREL Joseph, près Trigance ;
Fabrique de tuiles et de pots, et moellons : 2 ouvriers.
On fabrique un peu de tuiles, et on n’en a pas pour tout le monde ; et l’état de la fabrication n’est pas bien bon.
Le sieur TURREL Joseph qui fabrique des tuiles à Trigance ne travaille qu’une partie de l’année. Ce fabricant se trouve presque dans l’indigence et s’occupe à travailler ses terres. » (A.D.83, 16M1/5)
(extrait de Terres Varoises Xe-XXe siècles de Henri AMOURIC, Bernard ROMAGNAN, Lucy VALLAURI)
1897: d’après l’Indicateur du Var Jassaud & Reynier :
Renseignements généraux –
Habitants 407 ; électeurs, 139. Superficie, 6 060 hectares Altitude, 700 mètres Revenus, 7 373 francs; dépenses, 8 752 francs Bureau de poste; bureau téléphonique; station de chemin de fer Draguignan à Grasse, Nice, gare de Bargemon, 26 kilomètres Passage du courrier de Draguignan à Castellane dont le relai est à Comps, à 10h. du m. allant à Draguignan et à 4h. du s. allant à Castellane. De Draguignan à Castellane 6f. ; de Draguignan à Trigance 5f. ; de Trigance à Castellane 2f. Chemin de grande communication, n°114, de Draguignan à Castellane, n°6 Foires : 8 mai (origine 1874) – Blé, légumes, bestiaux. Fêtes locales : 16 août, Saint-Roch et 2 janvier, Saint-Clair Situation : Trigance est bâti en amphithéâtre, au flanc d’une colline de calcaire, que dominent les ruines imposantes d’un château féodal, près de Campjuers, de Jules César. Il comprend les hameaux de Soleils, Saint-Maimes, la Gabelle. Son nom serait dû aux trois rivières qui semblent découper son vaste territoire en trois ganses, le Verdon, l’Artuby, le Jabron. Trigance, depuis 1882, possède une jolie fontaine sur la place publique; cette fontaine est alimentée par un réservoir, oeuvre d’art, où coulent de petites sources qui naissent des rochers dominant le pays, et sur lequel on voit les ruines de l’ancien château seigneurial. Le tout est un don de Giraud de Trigance. Le tombeau en marbre d’une marquise du pays sert d’auge à un puits au bas de la colline. Ce tombeau a 5 pieds de long, sur 2 de large. On y lit les regrets amers d’une fille à sa mère. On admire des pétrifications curieuses dans la montagne de la Frache. – Nombreuses pyrites. L’Agriculture est la principale source de revenus du pays; mais le sol est souvent ingrat, et le raisin n’y mûrit pas. La principale partie du territoire, traversée par le Jabron, produit en abondance la pomme de terre qui alimente les marchés des villes voisines. On y récolte aussi le blé, la prune, la noix. Autrefois c’était la vigne et le mûrier. Les côteaux, couverts de vastes forêts de chênes, avec un sol gazonné, forment un excellent pâturage, et les vastes et grasses prairies de la plaine, contribuent à l’élevage du bétail, moutons, poulains et cochons. Sol comme celui de Comps. Industrie – Salaison de cochons, le jambon de Trigance est très estimé. Le climat de Trigance est froid, mais l’air est très salubre.
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Administrations
Conseillers municipaux : 10. Maire, Rouvier Emile Adjoint, Rouvier Frédéric Conseillers: Lions, Bernard, Aycard, David, Latil, Rouvier, Aycard et Rouvier Bureau de Bienfaisance, revenu annuel, 340,30 Cercle de la Fraternité Instituteur Féraud Institutrice Mme D. Féraud Curé, Berthier Débit de tabac, veuve Bertrand Forêts communales : 893 hectares65 ares Garde mixte, Lions à Trigance Garde-champêtre, Bertrand Gendarmerie, Ch. Comps Syndicat de l’Endiguement du Jabron Professions Boulangers, Rouvier, Garron Coiffeurs, Aycard, Pascal Rouvier Cafés, Bertrand, Aycard Épiceries et Merceries, Lions, Rouvier Cordonniers, Pascal, Lions Maçon, Bertrand Miel, (march. de) Aubert Modistes, veuve Meyffred Menuisiers, Latil, Rouvier Maréchal-ferrant, Antelme Minotier, Demandols, Garron Nouveautés, Lions et Rouvier Négociants, Lions et Rouvier Restaurant, Aycard Sages-Femmes, veuve Antelme Salaisons, Rouvier Tisseur Rouvier Alban Tailleur d’habits, Ricard Victor Hameaux Nord : Le Soleil Sud-Ouest : Le Cruvalet, St-Maimes, Estelle Est : Bagarri, le Priolat, la Gabelle |
1927: d’après l’Indicateur du Var Jassaud & Reynier :
Renseignements généraux – Population : 220 habitants; électeurs, 109.
Superficie, 6 060 hectares Altitude, 700 mètres Revenus, 9 857 francs; dépenses, 4 639 francs Bureau télégraphique; ligne Trigance-Comps; gérant, JURY Bureau de poste; bureau téléphonique; station de chemin de fer Draguignan à Grasse, Nice, gare de Bargemon, 26 kilomètres Chemin de grande communication, n°114, de Draguignan à Castellane, n°6 Service d’Autobus départemental; départ de Draguignan, à 7h30; arrivée à Trigance à 10h30. Service de colis postaux à domicile par le service d’Autobus. Foires : 8 mai (origine 1874) – Blé, légumes, bestiaux. Fêtes locales : 16 août, Saint-Roch et 2 janvier, Saint-Clair
Commerce, Industrie – Salaison de cochons, le jambon de Trigance est très estimé.
L’Agriculture est la principale source de revenus du pays; pommes de terre, foin, blé; mais le sol est souvent ingrat, et le raisin n’y mûrit pas. Forêts communales : 893 hectares.
Curiosités – La montagne de la Prache, située vers le milieu de Trigance, abonde de pétrifications. Les «Pierres percées», ouvertures naturelles dans la chaîne de rochers à pic qui se termine au village. Les gorges du Verdon, dans la commune voisine de Rougon (Basses-Alpes) Ruines d’un ancien château féodal du Xe siècle.
Environs – Nord : Soleil; Sud-Ouest : Le Cruvalet, Saint-Maimes, Estelle, Brize Combaud; Est : Bagarri, le Priolat, la Gabelle. |
Administrations
Conseiller général : Comps – M. MONDET Henri, professeur à Draguignan
Conseillers municipaux : 10. Maire, DOSSOLIN Louis Conseillers: ROUVIER J., TROIN A., AYCARD E., GUICHARD V., BERNARD A., DOSSOLIN A., ROUVIER C., GRAS J.
Bureau de Bienfaisance, revenu annuel, 342 fr. 47 Institutrice, Mme ANTELME Curé, CRÉTÉ Débit de tabac, AYCARD Garde forestier, BAISSETTE J. Garde-champêtre, LIONS L. Syndicat de l’Endiguement du Jabron Syndicat Agricole
Professions
Boulanger, AYCARD Cafés, AYCARD C., BERTRAND Coiffeurs, AYCARD, ROUVIER Courrier de Draguignan à Castellane à 10 heures du matin et 14 heures soir, par Autobus Épiceries et Merceries, LIONS, ROUVIER Gibier, AYCARD C. Maçon, GIREL Maréchal-ferrant, ANTELME Menuisiers, LATIL, AYCARD Minotier, DEMANDOLS Modistes, COSTE, HUGHES, PASCAL Négociants, LIONS, ROUVIER Nouveautés, LIONS Restaurants, AYCARD C., AYCARD J., Scierie, ROUVIER
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